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Le cannabis légal inquiète les voisins du Luxembourg

L'Allemagne, la France et la Belgique craignent déjà les possibles conséquences, dans leurs régions frontalières, de la légalisation de la plante à des fins médicinales.

Trois mois après l'introduction du cannabis thérapeutique, ce sont plus de 120 patients qui ont été soignés ainsi.
Trois mois après l'introduction du cannabis thérapeutique, ce sont plus de 120 patients qui ont été soignés ainsi. © PHOTO: Shutterstock

(dpa/jt/ma) Annoncée par le gouvernement luxembourgeois fin 2018, la légalisation du cannabis «à des fins récréatives» suit son petit bonhomme de chemin: un projet de loi est en cours. «Nous nous donnons le temps nécessaire pour mettre en place cette mesure correctement,» a indiqué une porte-parole du ministère de la Santé. De nombreux acteurs et ministères sont sollicités pour prendre part au projet. Et une agence publique du cannabis devrait accompagner la mise en place de la légalisation.

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À l'avenir, chaque adulte résidant au Luxembourg sera autorisé à cultiver, acheter, posséder et consommer du cannabis à des fins personnelles. Le tout selon un cadre et des conditions bien évidemment stricts, qui restent encore à fixer. Ainsi, le Grand-Duché espère mettre fin au marché illégal, réduire les délits liés aux achats, et diminuer ainsi les risques pour la santé des consommateurs, en garantissant une meilleure qualité de la substance. Les revenus de «la chaîne nationale de production et de vente sous contrôle de l'État» devraient servir à la prévention de la toxicomanie, assurent les autorités luxembourgeoises.

Trois mois après l'introduction du cannabis thérapeutique, ce sont plus de 120 patients qui ont été soignés à l'aide de cette substance, a indiqué le ministre de la Santé, Etienne Schneider.

Quatre distributeurs de cannabis contenant des produits à base de chanvre, le principe actif autorisé CBD (cannabidiol), ont déjà été mis en place à Echternach, Esch/Alzette, Grevenmacher et Wiltz. Son opérateur, Sascha Theis, veut installer trois à quatre machines supplémentaires cette année, à Ettelbrück notamment.

Appréhension des voisins

La mesure suscite déjà des inquiétudes dans les pays voisins. Comme en Allemagne où la police s'attend à une augmentation des infractions de l'autre côté de la Moselle et de la Sûre. «Le danger est relativement grand que les gens se rendent au Luxembourg, pour s'approvisionner, puis reviennent le consommer ici», a déclaré le porte-parole de la police Stefan Döhn à Trèves. «Et même si vous pouvez acheter légalement du cannabis au Luxembourg, l'importation en Allemagne est illégale. Il y aura certainement plus de contrôles et plus de travail. Cela pourrait devenir un problème de drogue,» prévoit-il.

Depuis mars 2017, les patients peuvent légalement obtenir du cannabis sur ordonnance. Mais certains groupes veulent aller plus loin. Comme le Hanfverband, qui participera à des manifestations et des rassemblements en faveur de la légalisation du cannabis, dans le cadre du «Global Marijuana March 2019», qui se tiendra début mai, dans une trentaine de villes allemandes dont Hambourg, Munich, Düsseldorf et Dresde.

«Déconcertant»

La police française s’inquiète également: «Ce qui se passe au Luxembourg est tout simplement déconcertant,» a déclaré un commissaire de police du département de Meurthe-et-Moselle au Républicain Lorrain en janvier dernier. «Outre le diesel, l'alcool et le tabac, les gens reviendront désormais du Luxembourg avec de l'herbe».

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La France est contrainte d'adapter sa politique en matière de drogue du fait des changements législatifs prévus au Luxembourg, écrit Khalid Tinasti de la Commission mondiale pour la politique des drogues (GCDP) dans un article pour Les Echos. «La légalisation du cannabis au Luxembourg aura des conséquences pour les pays voisins. La nouvelle approche luxembourgeoise, si elle aboutit, changera le marché illégal européen, ses routes de trafic, la qualité du cannabis disponible, et jouera un rôle sur le prix de vente dans ces mêmes pays voisins».

En novembre dernier, l'Assemblée nationale avait elle voté en faveur d'un assouplissement du droit pénal: toute personne coupable de tabagisme collectif en France s'expose ainsi à une amende de 200 euros. Toutefois, les infractions en matière de drogue peuvent continuer à faire l'objet de poursuites.

Exemple canadien

En Belgique également, des voix réclament une décriminalisation du médicament. Comme les jeunes du Mouvement Réformateur, un groupement politique libéral et conservateur francophone belge, qui plaident pour la légalisation du cannabis.

Fin mai, le ministre de la Santé, Etienne Schneider, devrait se rendre au Canada, qui en octobre 2018 avait légalisé la culture, la vente et la consommation de cannabis. Les adultes peuvent y acheter jusqu'à 30 grammes de marijuana, en avoir sur eux et fumer. La culture privée à des fins personnelles est également autorisée dans la plupart des régions du pays. Objectif de la visite ministérielle outre-atlantique: rechercher le meilleur modèle à mettre en place et «avoir une idée de la situation sur le terrain».

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